La résilience se construit relativement à des traumas [CHRONIQUE PEAK] RESILIENCE #1 que toute personne est susceptible d’éprouver – et/ou de voir éprouver – en termes personnel et professionnel, des traumas illustrés par les effets provoqués par la COVID-19 sur les individus et les organisations.
Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) se manifeste à partir d’une exposition à un évènement brutal : le fait de le revivre constamment, l’évitement des stimuli associés à l’évènement, l’émoussement de la réactivité personnelle, une souffrance persistante, une altération du fonctionnement social et professionnel (anxiété, irritabilité, démotivation, désengagement, isolement…).
Les décideurs en entreprise sont en première ligne sur le front des SSPT. Les SSPT les menacent directement, ainsi que leurs collaborateurs, leurs partenaires, clients, fournisseurs… chacun étant confronté à ses propres effondrements [CHRONIQUE PEAK] RESILIENCE #2.
Le paradoxe est qu’aucun évènement n’est traumatique en soi. Le trauma résulte moins de l’évènement que des croyances mobilisées par chaque personne pour interpréter l’évènement. La discordance entre évènements et croyances provoque le traumatisme (Modèle ABC, Ellis, 1997).
Ainsi un évènement dit « naturel » (éruption volcanique, ouragan, inondations, épidémie…) est perçu comme moins ‘traumatisant’ qu’un évènement de source « humaine ». Parmi les évènements de source « humaine », le fait d’inscrire l’évènement dans un « récit » opposant des forces du bien et du mal clarifie le sens donné au choc (d’où les complotismes). Plus troublant, une « bonne » nouvelle peut devenir source de traumas : être promu ou augmenté, obtenir un contrat, gagner au loto (pourquoi moi ?) !
De fait, le traumatisme est d’autant plus intense que l’évènement remet radicalement en cause toutes nos valeurs fondamentales. Ces valeurs sur lesquelles nous fondons notre sentiment de sécurité s’avèrent inopérantes du fait de l’annihilation de leurs liens protecteurs. La sidération est l’état de stupeur traduisant notre impuissance à donner un sens à l’effondrement de ce que nous croyions être un « ordre du monde » harmonieux et pérenne.
Les effondrements – comme évènements « objectifs » – génèrent des traumas « subjectifs » si s’écroulent les idées que se font les personnes d’elles-mêmes (estime de soi), des autres (confiance dans les autres) et des temps passés, présents et à venir (foi dans la continuité temporelle).
La responsabilité individuelle est directement engagée par le fait de prendre en compte la fragilité de l’ordre du monde de toute autre personne – soi, ses proches, ses amis, et par extension ses collègues, clients, fournisseurs, partenaires… – partageant une relation d’attachement en un certain « ordre du monde ».
Mettre brutalement fin à une relation salariale ou commerciale sans justification ni explication – si possible discutée et partagée -, sans prise en compte des valeurs relationnelles relevant de la « décence commune » (G. Orwell) ; ou pire encore, refaire appel au mêmes ressources au nom d’une urgence absolue, puis remettre aussi instantanément fin à toute relation – toujours sans prendre en compte ses attentes de sens -, est susceptible de produire des destructeurs SSPT relationnels.
Plus largement, l’appréhension – continue et profonde- des traumas ressentis par les parties prenantes de l’écosystème de l’entreprise (notamment les fournisseurs) devient un enjeu stratégique ; que ces traumas proviennent de sources « non maîtrisables » (environnement externe), et plus encore « maîtrisables » (traumas donnés ou subis).
La résilience se construit dans la capacité à recueillir, nourrir et développer un « ordre du monde » partagé, seul en mesure de transfigurer des effondrements « effectifs » en opportunités « subjectives ».
Si les SSPT sont la maladie de notre temps, tout trauma est relationnel.
Lire [CHRONIQUE PEAK] RESILIENCE #5
Par Philippe PORTIER,
Peak, Expert Consultant Senior « Stratégie, Achats, Innovation disruptive »
